Les Enfants de l'Enfer. [Privé]

Le bruit mat et désagréable du roulement des doigts sur la petite table de chevet en bois inondait le silence. Les doigts pâles et fins tapaient inlassablement de lassitude sur la surface rainurée depuis déjà un bon quart d'heure. Encore une fois, la pièce était sombre. Meublée d'un lit très simple, mais néanmoins confortable, d'un chevet, d'une chaise et d'une armoire étroite et en bois, elle n'était éclairée que par une vieille lampe récupèrée on se sait où. Les murs et le sol étaient en béton brut, et la porte en métal ajoutait au sinistre de cette pièce ridiculement petit, poussiéreuse et sombre. C'est en examinant pour la seizième fois la "chambre" qui lui avait été attribuée que Vhell admit qu'il n'y avait effectivement aucun charme dans la base du groupe d'Insurgés qu'elle venait d'intégrer. Etait-il réellement nécessaire de se retrouver dans la partie souterraine et glaucque d'un des grands immeubles de NYC pour prouver la force de caractère des hommes de la bande? C'était la question qui tournait en boucle dans sa tête. Accompagnée par : Quand allait-il se passer quelque chose?

On lui avait ordonner de rester dans sa chambre jusqu'à ce qu'on vienne la chercher. Gentiment, elle avait obéit. Elle avait fait le tour de la chambre, ce qui n'avait pas été bien long d'ailleurs. Et après, elle avait attendu. Attendu. Et maintenant elle n'en pouvait plus. D'un coup elle tapa du plat de la main sur le bois, soulevant de la poussière. Merde ! Elle se leva, vérifia sa tenue, et poussa laborieusement la lourde porte de métal. A l'aventure, demoiselle !

Elle avait décidé d'explorer tout le "complexe". Le côté glaucque était présent partout. Il aurait été tellement plus agréable de trouver un Hôtel de luxe, ou un Hôtel tout court, plutot que d'aller se foutre sous terre. Mais évidement les Infectés étaient partout. Elle parcourut de nombreux couloirs, croisant seulement poussière et eccho de ses pas, notant sa progression, les lieux qu'elle voyait. Elle se repérait. En même temps, elle réfléchissait à un moyen de mettre un peu de piment. Elle avait besoin d'agir, et maintenant. Son cache-cache avec le voisin avait assez duré, et sa séquestration d'une demie heure était de trop.

Elle se dirigea donc vers la partie où on l'avait conduite à son arrivée, la partie plus administrative, espèrant trouver Camille. Le grand chef. Elle voulait lui parler. Elle avait un plan en tête et un tas d'idées pour aider Les Enfants de l'Enfer, et elle comptait bien prouver sa valeur dès son entrée. Après tout, elle n'avait pas à se taire.

Elle arriva dans un couloir, un autre encore. Toujours aussi sombre et triste. Qu'elle avait hâte de sortir de là bon sang ! Ca sentait le renfermé et la sueur. C'était assez écoeurant même. Elle posa la main sur sa sacoche, où son arme avait repris place. Ca la rassurait, elle ne savait pourquoi. Elle tourna, au hasard, et arriva face à une porte grande ouverte. La pièce qu'elle pouvait voir était illuminée, chose qui l'étonna. La lumière déprimante, grise et faible des couloirs l'avaient habituée à l'obscurité. Elle fronça les sourcils. Des hommes siègeaient autour d'une table, et semblait se disputer. Enfin, certains avaient l'air mécontents. Elle pu voir Camille, à sa place de chef, toujours aussi nonchalant. Un qui se laissait pas impressioner. Sauf par une fille... Elle ravala son petit sourire, qui avait apparut à sa pensée, puis avança d'un pas ferme.

<< ... Puisque je te dis que je trouve ça aberrant d'accepter une gonzesse parmis nous, bordel !! Une gamine en plus ! Merde Camille, t'as craqué ou quoi ?! beugla un des hommes, qui n'avait pas de bandeau. Personne n'en avait.
- Il y a un soucis ? >> , fît Vhell.

Tous se turent, et se tournèrent vers elle. Campée sur ses jambes, la main sur la hanche, elle les défiait. Camille se redressa de surprise. Sauf les filles. Elle s'avança, marchant d'un pas décidé, comme si rien ne pouvait l'ébranler. Elle n'allait pas montrer que tous ces tas de muscles nerveux l'effrayait. Elle ne pouvait le faire, sinon elle perdait son privilège. Il fallait qu'elle se montre plus forte qu'eux, et plus sûre qu'eux. Elle contourna la table circulaire, et alla se placer à la droite de Camille. Elle prit son arme dans son sac, la posa, comme une carte de passage que l'on montre, ou un passeport. Elle entendit un vague ricannement, et elle darda un regard, semblable à un pique de glace sur l'émetteur du-dit ricannement qui avala douloureusement sa salive. Ne surtout rien montrer.

<< Visiblement ma présence vous dérange. Vos fiertés de mâles pleins de testostérone ont été blessées par mon arrivée, je le conçois. Votre petite vie de mecs pleins de muscles et qui tuent des bêtes a été perturbée par ma personne, il est vrai. Mais en rien il ne faut voir ma présence comme une menace. Je ne suis pas là pour vous rabaisser. Je suis loin d'être un poids ne vous inquiètez pas. Maintenant que ceci est dit, si qui que ce soit à un problème avec moi, je serais ravie de m'expliquer avec lui, et si on ne s'entend pas ou que l'on me menace, je sais très bien me servir de mon arme. Des volontaires? >>

Elle regarda l'assemblée, qui restait medusée et silencieuse. Camille lui, souriait, l'air tranquille. Elle reprit alors.

<< Bien. J'ai quelque chose à vous proposer. De l'action. De l'hémoglobine. Du fun. Et une récompense non négligeable à la clé. Vous me suivez, ou vous restez ? >>

Camille se releva. Elle se souvenait qu'on lui avait parlé de lui. Toujours calme, assez mou. Un combattant expert. Mais vicieux, une épine dont on ne se débarassait pas. Et à ses yeux, en cet instant, elle sentait qu'il allait tenter de la destabiliser. Le regard bleu glacial qui s'était posé sur elle n'avait plus la note sympathique qu'elle avait pu voir plus tôt. Machinalement, elle frotta son tatouage à sa cuisse. Mais il ne le vit pas. Elle gardait cette lueur de défi au fond de ses iris verts.

<< Tu n'es pas en mesure de diriger mes hommes, dit-il froidement, tandis qu'un insolent ricannait.
- C'est probable.
- Alors tais-toi. >> Conclut le jeune-homme, sur un ton d'ordonnance.

Un colère froide monta. Elle s'avança vivement, et attrapa le visage du brun entre ses deux mains, le forçant à fixer ses yeux verts. Il pouvait sentir son souffle. Surpris, il frissonna. Elle le sentit, et sourit. Un sourire carnassier, menaçant. Elle approcha encore son visage du siens. Il ne savait que faire. Une boucle brune frola la peau de son cou, qui s'hérissa. Elle commença alors à parler, dans un murmure audible par lui seul, d'une voix douce qui lui arracha un autre frisson.

<< On ne m'ordonne pas Camille, sache-le. J'ai cru comprendre que vous vous contentiez de vous entraîner, toi et tes hommes. Ils te vouent un culte, à cause de ton charisme et de tes techniques prétenduement parfaites. Mais le combat, ils n'attendent que ça. Je vais être gentille, et sous entendre que l'idée vient de toi. Mais la prochaine fois, si tu n'acceptes pas de me parler, je prendrais les choses en main. Et personnellement, je ne resterais pas enfermée dans ce trou bétonné une heure de plus. >>

Elle se recula, prenant un air calme, agréable et doux. Les plis de colère qui étaient apparus aux coins de ses yeux avaient disparu. Elle regarda les hommes. Les Enfants de l'Enfer. Ouais, l'Enfer, pour sûr, ils y étaient. Elle leur sourit, son sourire qu'elle savait craquant. Elle était une femme, elle allait user et abuser de cela. Elle s'avança à nouveau du bord de la table, de sa démarche chaloupée, satisfaite de voir les yeux pleins d'envie se fixer sur elle. Et toc. Elle posa ses mains sur le rebord de la table, se penchant juste assez pour laisser vaguement entrevoir son décolleté. Et toc, bis.

<< Après petit entretient avec votre Chef, je lui ai dit mon idée, et il a proposé un plan. Il me laisse le soin de vous l'expliquer, pour prouver que je suis loin d'être idiote. >>

Elle balaya l'assemblée du regard. Ils étaient tous pendus à ses lèvres. Elle avait réussit à insinuer que Camille lui faisait confiance. Elle s'étonnait elle même. Elle controlait pourtant ses bras, pour les empêcher de trembler. Elle aussi avait peur de sortir. Elle avait peur qu'on ne la prenne pas au sérieux. Elle avait peur d'être rejetée. Mais il fallait qu'elle soit forte. Et son audace la surprenait. Mais en temps de guerre, tout était permis. Elle reprit alors.

<< Le projet : se trouver un coin sympas pour établir nos quartiers, et être pris plus au sérieux. Les objectifs : tuer un maximum de cadavres ambulants, tout en avançant le plus vite possible jusqu'au point choisit, nettoyer la place et en faire une forteresse imprenable, et être redoutés. Le point d'arrivée : Hôtel Ritz-Carlton de Battery Park. Qui ? Nous tous. Des questions? >>

Ils étaient tous silencieux. Brusquement, la brute qui l'avait critiquée à son arrivée se redressa, regarda Camille et le félicita pour cette brillante idée. Les autres suivirent, et quelques uns félicitèrent Vhell. Elle se tourna vers Camille également, et décela une pointe de honte sur son visage, dans sa posture. Ca t'apprendra, prétentieux. Elle décolla ses mains de la table, et frappa dedans pour ramener le calme.

<< Bon, et bien messieurs, rassemblez vos affaires, prenez vos armes, et rendez-vous dans une demie heure à la sortie du bâtiment. >>

Ils se levèrent tous, dans un désordre et un brouhaha digne d'une classe de lycéens, commentant cette réunion assez exceptionnelle. Vhell resta là, à les regarder sortir, en frottant de ses doigts fins et froids son tatouage.