"The Last Patrol"

Afghanistan - Kaboul
|Base de Commandement WareHouse|

"The Last Patrol" 11110

"On est parti les enfants..."

Les moteurs des VBLs vrombissaient, les pneus crissaient sur le sable et la caillasse du sol Afghan. Deux coups retentirent sur la carlingue. Le lieutenant venait de donner le signal du départ. Le soleil d'orient rayonnait comme jamais, la lumière blanche et beige irradiait les véhicules des sommets escarpés. Le paysage rocailleux était d'une beauté sauvage, le silence à peine perturbé par le vacarme de la patrouille.

Installé sur les fauteuils inconfortables, protégé par la carlingue et le blindage du véhicule militaire, je vérifiais consciencieusement mon matériel. Un Famas dernier modèle muni d'un pointeur laser et d'une lunette de visée, un FN Five-Seven muni d'un silencieux court, deux couteaux de lancé fixé sur ma poitrine et sur mon épaulière gauche. Je voyageais toujours léger.

Les soldats de l'armée française discutaient entre eux. Ils se connaissaient tous étant, de la même unité. J'étais un mercenaire de plus à mépriser. Et pourtant, je devais être le seul à m'être fait accepter des troupes régulières. Malgré le fait que j'étais muté d'une section à une autre en permanence, ils s'étaient habitués à ma présence. Et l'appréciaient presque.

Je pressais mon écran tactique de poignée. Le son mélancolique d'une guitare, et la voie d'un homme au ton déchiré me détachais à nouveau de la réalité. Loin des chaleureuses discussions des soldats, loin des batailles, loin du sang et de la poudre, loin de tout, je la retrouvais. Souriante, tout comme autrefois.

C'est à ce moment là, alors que je venais à peine de commencer à rêver au passé que nos Com s'enclenchèrent. Un message prioritaire selon mes informations, dont la voie du transmetteur semblait presque paniqué. On pouvait entendre derrière des cris rauques, des tirs saccadés. Tous sentait qu'il se passait quelque chose d'important.

"WareHouse à toutes les unités ! Confirmez le contact Radio !"

Le lieutenant après m'avoir lancé un regard entendu envoyait le signal.

"Patrouille Echo... Vous êtes isolés. On a perdu le contact avec Tango et Charlie."

"Quels sont les ordres ?"

"On a une alerte de Contamination mon lieutenant. L'État Major vient de nous signaler que tout personnel vacciné contre le H1N1 peut devenir hostile et violent à tout moment. Ils doivent être... neutralisé immédiatement mon lieutenant."

La conversation fit place à un silence de mort dans les véhicules.

"Que ceux qui ont été vacciné contre le H1N1 mettent la main droite sur leur tête."

Trois soldats, dont une jeune recrue au regard désespéré, s'exécutèrent. Les écouteurs retentirent à nouveau, faisant résonner la voie grave de l'adjudant.

"J'en ai deux chez nous mon lieutenant...."

"Patrouille Echo, ici WareHouse !
C'est beaucoup plus grave que l'on pensait ! Ils commencent à bouffer tout le monde ici !
Certains contaminés se sont échappés vers la ville, ils reviennent plus nombreux ! On évacue par Crrr..."

WareHouse ne répondait plus. Isolé, au milieu des montagnes tenues par les seigneurs de la guerre afghans. Le sifflement d'une rocket. Un cri d'alerte du conducteur, son dernier. Les deux véhicules blindés s'arrêtèrent net. Une Embuscade des talibans.

"Embush !"

Un sous officier américain de l'autre engin avait hurlé ce mot fatal. Je rampais à l'intérieur de la carcasse de mon transport, et dégageais la portière arrière d'un coup de botte de combat, aidé de l'extérieur par un soldat français. J'assistais les survivants du premier transporteur blindé à sortir.

Ce n'était pas une embuscade classique. Ils chargeaient en masse, dévalant des hauteurs, certains se brisant la nuque sur le roc. Un liquide muqueux rougeâtre et bleu dégoulinait de leur bouche, leurs yeux étaient injectés de sang. Sans aucune tactique, ils nous attaquaient par l'arrière.

Très vite, américains et français formèrent un dispositif de défense efficace. Famas et M4 rugirent. Nous étions submergés, au milieu d'une route de montagne étroite, protégés par les carcasses encore fumante de nos blindés légers. Le lieutenant pris rapidement une décision.

"Le checkpoint avec l'Osprey est à 8km, on y a rendez vous dans 13min !"

Il hurlait cela dans son micro, se faufilant derrière ses troupes. Il avisa l'adjudant américain de la situation, puis repris.

"L'arrière garde nous couvre, et les retiendront du mieux qu'ils pourront !
On décroche !"

L'officier désigna les soldats qui allait devoir rester affronter les hordes frénétiques qui nous attaquaient en leur tapant sur le casque. Cinq hommes. Cinq vaccinés. Il le fallait. Ils hurlèrent tous un grand "Hooah !" et continuèrent à faire feu. L'Osprey n'allait pas attendre.

La patrouille commençait à se replier en papillon, puis au pas de course. J'activais une liaison Com avec le lieutenant et l'adjudant, et murmurais ces mots.

"Je reste avec eux. Si je ne suis pas à temps au Checkpoint, il est inutile de m'attendre. Will Over."

"Bien reçu Will, vous êtes volontaire... On se retrouve là haut soldat ! Over."

Les cinqs soldats des deux nationalités qui étaient vaccinés étaient focalisés sur leurs cibles. Ma présence les rassura, et les plus expérimentés se mirent à plaisanter comme si il s'agissait d'un exercice de routine. On pouvait cependant remarquer qu'au fur et à mesure que les contaminés se rapprochaient, leurs veines se gonflaient et leur front baigné de sueur.

Étrangement, le premier à succomber fut le soldat le plus remonté contre nos assaillants. Il sentit que le contrôle lui échappait.

"Will ! Je vais plus pouvoir tenir encore très longtemps..."

Sa voie était inquiète. Il lança ses derniers chargeurs à ses compagnons d'infortune qui étaient encore moins nerveux que lui, et prit une grenade dans chaque main.

"Que comptes tu faire mon gars ? Tiens ta position comme les autres."

J'avais lancé cet ordre d'un ton fraternel et chaleureux. Il commençait à cracher une substance étrange. Il sourit.

"Je ne suis déjà plus comme les autres... Et je n'ai aucune envie de devenir comme eux..."

Deux autres combattants qui avaient terminé leurs derniers chargeurs firent sauté de même les goupilles de leurs grenades. Je ne savais quoi dire.

"Tu n'as rien à te reprocher, tu es resté jusqu'au bout et je t'en félicite. On te gardera une place là haut..."

Ils enjambèrent les débris qui nous servaient d'abris et chargèrent en hurlant les infectés. Six détonations firent place à un silence de mort. La jeune recrue de mon véhicule m'adressa la parole.

"Il est temps pour vous de décrocher, en grimpant par la falaise vous pouvez être au Checkpoint à temps."

Il avait raison. Cette fois ci je trouvais ce qu'il fallait répondre.

"Merci..."

"Merci à toi..."

Les soldats se regardèrent dans les yeux puis lancèrent un regard noir aux assaillants qui revenait de plus belle.

"En avant pour le dernier round les enfants !"

Les deux derniers vaccinés de l'arrière garde avancèrent en tirant leurs dernières cartouches et en lançant leurs explosifs. Alors que je grimpais avec difficulté la paroi rocheuse aux pierre coupante comme des lames aiguisés, je vis les derniers combattants se faire submerger par les infectés, puis exploser dans un nuage de feu et de métal.

"Grimpez à bord ! Tirs Hostiles ! Décollez !"

"He's alive !"

Des tirs de roquettes provoquaient des avalanche sur le pan de montagne que j'escaladais. Je me hissais avec peine sur le sommet. J'y étais presque. Mais l'Osprey commençait déjà son décollage. J'étais poursuivi, et les tirs se faisaient de plus en plus soutenu, provenant des autres versants. Nous n'étions pas tout seul. Et j'allais l'être si je loupais le départ. C'était mal parti pour moi.

J'étais accroché d'une main au rebord en fer du sas du véhicule aérien. Je frissonnais à cause de la fraicheur du vent d'altitude. Un véritable plaisir revigorant après une ascension plus qu'intéressante. Mais le fait d'avoir battu un record de vitesse sur une voie de cotation 8b en haute montagne n'arrivait pas à me faire oublier les yeux de ces hommes qui avaient été sacrifiés, et les hurlements des infectés.

Je saisis le rebord de ma seconde main et me hissais à l'intérieur du Osprey. Ils étaient tous là, seul l'un d'entre eux avait pris un éclat de roquette dans le ventre. Il saignait abondamment. Nous n'avions aucun équipement de soin. Après avoir parcouru tous les villages alentours pour les vacciner dans cet engin, nous n'avions même pas de quoi soulager suffisamment la douleur d'un blessé.

"Je dois retourner à WareHouse, quel est le programme ?"

L'un des mitrailleurs me répondit en hurlant pour couvrir le bruit de la soute qui se refermait.

"On rejoint l'USS Gerald R. Ford au large des côtes indiennes ! Ils ont... "sécurisé" le bâtiment, c'est notre seule option de repli ! Mais on vous dépose à quelques kilomètres de la base, le temps de faire le plein à la Cache la plus proche !"