[Gatineau, Canada, 11h52]
Les rues étaient silencieuses, désertes. Divers débris, des emballages, des déchets, des journaux sales et déchirés pavaient la route, tout comme les innombrables cadavres et les épaves de voitures défoncées.
Artie, Clay et les trois autres marchaient sans bruit sur le bitume à demi enseveli par les monceaux d’ordures. Ils étaient partis de la rame de métro voilà trois heures, et ils n’avaient pas encore rencontré d’Infectés… Artie ne s’en plaignait pas mais il trouvait cela inquiétant. Ce silence de mort apocalyptique était pire que tout.
Il y eut un hululement de douleur, quelque part au loin. Artie resserra la poigne sur l’AK-47 qu’il avait trouvé quelques minutes auparavant sur le cadavre d’un officier militaire à la gorge ouverte et béante. L’arme avait un chargeur presque complet, mais Artie n’avait trouvé aucune munition alentour.
- Je commence à avoir faim, grogna Pete, le baraqué.
Pas étonnant, se dit Artie, avoir un corps comme le sien devait demander beaucoup d’entretien alimentaire… mais il dut avouer qu’à lui aussi, l’estomac commençait à se plaindre du vide qui l’occupait.
- On n’a qu’à s’arrêter à la prochaine maison, dit-il en haussant les épaules.
- Bonne idée, renchérit Clay.
Artie, suivit des autres, s’approcha d’une superbe maison – ou plutôt ce qui avait été une superbe maison – peinte en beige. Il monta les trois marches et poussa lentement la porte à deux vitres en tenant son arme levée dans la main droite. La porte grinça sur ses gonds.
En s’avançant à l’intérieur, il s’aperçut qu’il ne faisait pas aussi sombre qu’il l’avait imaginé : la lumière du jour filtrait par les fenêtres sales ou cassées qui ornaient la pièce.
Le groupe entra, armes au poing, guettant le moindre geste suspect. L’entrée donnait sur une salle à manger dévastée, une grande table en ébène avait été renversée, de la vaisselle brisée s’étalait sur le carrelage en damier. Mais pas de cadavres, ni morts ni vivants.
Artie parcourut sans précipitation la salle, regardant autour de lui. A sa gauche se tenait un escalier de marches en bois, recouvertes d’un tapis rouge vinasse poussiéreux et dont le bout à l’étage supérieur n’était pas suffisamment éclairé pour qu’on puisse y voir quelque chose.
- Okay, dit-il à voix basse, on se sépare. Erika et moi, on va voir au-dessus, et vous – il désigna Clay, Pete et Rob – allez explorer le reste de la maison. Et faites gaffe, on ne sait jamais ce qui peut y avoir derrière une porte.
Les trois hommes hochèrent la tête, signe qu’ils avaient compris, tournèrent les talons et commencèrent à aller fouiller un peu partout dans la demeure.
Artie se tourna vers Erika, dont les grands yeux violets le fixaient dans la semi-obscurité.
- Tu as des lampes torches ? demanda-t-il.
Tout en se délestant de son sac à dos, elle répondit :
- Oui, mais elles n’ont plus beaucoup de piles…
- Une seule suffira, alors.
La fille sortit une torche métallique noire, la tendit à Artie qui la prit et l’alluma. Le faisceau de lumière conique alla lécher les murs avant de s’arrêter en haut de l’escalier.
- On y va, déclara Artie en commençant à monter les marches, et Erika l’imita aussitôt.
Bien qu’ils progressaient lentement, les marches grinçaient sous leurs pieds, au fur et à mesure qu’ils les posaient dessus. Arrivés au-dessus, Erika, l’air surprise, leva un doigt et murmura :
- Ecoute !
Et Artie écouta. En effet, il y avait des bruits étranges, des bruits qui, d’après Artie, s’accordaient très bien au monde tel qu’il était depuis l’infection…
Des sanglots. Etouffés, mais proches. Erika plaqua l’oreille contre une porte à leur gauche, une porte d’un gris pâle. Elle ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes.
- Ca vient de là ! réalisa-t-elle.
Elle mit la main sur la poignée, mais Artie l’avertit aussitôt :
- C’est peut-être un piège.
Erika fronça les sourcils :
- Les Infectés ne pleurent pas, que je sache.
Et elle ouvrit doucement la porte, laissant apparaître une chambre d’enfant – de garçon, d’après les jouets et posters éparpillés un peu partout – plus ou moins bazardeuse. A présent, les pleurs étaient proches et clairs. Ils semblaient provenir de derrière une étagère blanche et plus haute que large renversée.
« Oh me dites pas que… »
[Suite plus tard]
Sujet: Un ange parmi les ténèbres. 
Lun 22 Juin - 17:46